savoir s'arrêter : tout un art (la vie)

Publié le par paroisses Sante Agathe

Mgr Brunner, évêque de Sion (Suisse), tire sa révérence. Un événement qui évoque la renonciation récente de Mgr Lacrampe, et celle de Benoît XVI


Il aurait encore dû travailler à la vigne du Seigneur pendant quatre années. Mais Mgr Norbert Brunner a dit “Stop”. A presque 71 ans, l’évêque de Sion, en Suisse, a décidé de remettre sa charge, arrivé à “ la conviction qu’il n’avait plus les forces nécessaires pour accomplir les tâches inhérentes au ministère épiscopal d’aujourd’hui et pour relever les défis qui en découlent” selon le communiqué du diocèse.

Un tel événement n’est pas nouveau. Il fait écho à la démission présentée le 25 avril dernier par Mgr Lacrampe, lui aussi à 71 ans, cette fois pour raison de santé défaillante “ inconciliable avec les besoins de la mission et l’exercice de la responsabilité épiscopale”. L’archevêque de Besançon soulignait ce qui pesait sur ses épaules : la conduite d’un vaste diocèse, le pilotage d’une province apostolique de 6 diocèses + 2 diocèses concordataires, sans oublier ses responsabilités au niveau national. L’évêque évoquait l’exigence “de longs et fréquents déplacements” et le défi “d’une nouvelle évangélisation qui appelle une présence démultipliée de l’évêque”. Incompatible avec un corps fragile ou souffrant.

De son côté, Mgr Brunner a affirmé la nécessité pour les catholiques valaisans “de vivre un nouveau départ" et le souci que la direction du diocèse soit confiée "à une force nouvelle”. Une attitude qui n’est pas sans évoquer l’esprit si ce n’est la lettre de la renonciation de Benoit XVI le 11 février dernier : “ Après avoir examiné ma conscience devant Dieu, à diverses reprises, je suis parvenu à la certitude que mes forces, en raison de l'avancement de mon âge, ne sont plus aptes à exercer adéquatement le ministère pétrinien. Je suis bien conscient que ce ministère, de par son essence spirituelle, doit être accompli non seulement par les œuvres et par la parole, mais aussi, et pas moins, par la souffrance et par la prière. Cependant, dans le monde d'aujourd'hui, sujet à de rapides changements et agité par des questions de grande importance pour la vie de la foi, pour gouverner la barque de saint Pierre et annoncer l'Evangile, la vigueur du corps et de l'esprit est aussi nécessaire, vigueur qui, ces derniers mois, s'est amoindrie en moi d'une telle manière que je dois reconnaître mon incapacité à bien administrer le ministère qui m'a été confié”.

En l’occurrence, qui s’agisse de Benoit XVI, des évêques Lacrampe, Brunner (et Joseph Doré, avant eux), le courage de reconnaître sa faiblesse est patent, force le respect. Pas de fuite, simplement l’humilité de reconnaître qu’ils ne sont pas indispensables, et que d'autres feraient mieux qu’eux. Se tuer à la tâche ou envoyer un diocèse dans le mur n’est pas très chrétien.

La tâche épiscopale est écrasante. Elle comporte des difficultés et des solitudes spécifiques. Compte tenu de l’ampleur des enjeux, il est probable que la plupart des évêques s’endorment le soir la conscience à peine tranquille de ce qu’ils n’ont pas pu faire durant leur journée. Mgr Brunner, si l’on regarde son CV, a été pendant 43 ans aux commandes du diocèse, à travers différents postes. De quoi user même un saint apparatchik... Sans oublier les crises à gérer. Récemment, l’évêque d’Annecy, a démis de ses fonctions le Père Pascal Vesin pour pratique de la franc-maçonnerie. Si le bien fondé de sa décision n’est pas contestable sur le fond, la gestion de la communication aurait pu être plus efficace. Mais l’évêque, très affecté, a préféré le retrait. Or la communication fait partie intégrante de la gouvernance. Mais la gouvernance est ce qu’il y a de plus délicat, de plus épuisant.

Après plus de quinze ans comme journaliste et observateur de la scène catholique en France, il m’est devenu clair que la règle voulant qu’un évêque tienne son poste jusqu’à 75 ans, est parfois inhumaine, souvent contreproductive. A part quelques santés de fer, il est évident qu’un homme entre, dès ses 70 ans, dans une phase plus fragile. Ma constatation est que la plupart des évêques, entre 70 et 75 ans, s’endorment sur leurs lauriers ou laissent courir les dossiers. La sagesse impliquerait que l’on nomme des évêques plus jeunes, vers la cinquantaine, et qu’ils remettent leur charge entre 65 et 70 ans, ce qui n’empêcherait pas les plus vaillants de continuer à rendre des services. J’ai été pourtant horrifié d’apprendre que le Vatican avait lancé des coups de sonde pour demander aux évêques de rester jusqu’à ...78 ans ! De la pure folie.

La situation totalement nouvelle de la mutation ecclésiale actuelle, du moins en France, impose le rajeunissement des cadres épiscopaux. Voire un turn over plus important compte tenu du stress et de la difficulté de ce ministère où l’on passe le plus clair de son temps à régler des problèmes. La renonciation de Benoît XVI a créé une nouveauté : il lève une sorte d’inhibition chez les évêques, les incitant à démissionner s’ils n’en peuvent plus, alors qu’ils se seraient peut-être forcés à continuer au-delà du raisonnable... En effet, un évêque qui perd de sa force et de sa vigilance met en danger l’Eglise, surtout en une période où l'on ne pardonne rien. L’acte de Benoit XVI est une manière de révolutionner, non seulement la papauté, mais aussi la manière d’exercer l’épiscopat. Comme un service et non un pouvoir. Le serviteur qui ne peut plus servir doit consentir à servir encore davantage, en tirant sa révérence.

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